Planéités et volumétries

Lorsqu’on parcourt les diverses définitions de planéité on comprend qu’il s’agit « du caractère de ce qui est plan et relativement uni d’une surface, sans inégalité de niveau, sans courbure, sans pli, sans ride, sans ondulation, sur laquelle les lignes peuvent se rencontrer à angle droit ».

Les collages dans ma pratique sont arrivés comme autant de surfaces planes à assembler, planes seulement en apparence car à l’affleurement de leurs surfaces courent des vibrations, les vibrations de la matière papier qui fusionne avec le glacis. Si l’on approche son œil on peut percevoir l’inframince des ondulations fabriquer la topographie de la surface … le contraire de la planéité. Ces collages impliquent l’acte d’adjoindre, de superposer, de compiler pour chercher la nouvelle forme qui ressemble un peu à la précédente mais qui tout de même diffère …

S’organise alors un jeu de transparence et de matité au fur et à mesure que les dépôts de papier s’agencent entre eux. Le rouge couleur de la passion et du feu est alors au service du rectangle et du carré comme si l’énergie devait être contenue, retenue à l’intérieur d’un périmètre.

La planéité définit aussi les qualités de ce qui est spatial, en cela la planéité convient à ces assemblages de papiers qui sont à la fois surfaces et profondeurs. Mais en résumé ces collages bien qu’ils soient autonomes sont aussi des dessins préparatoires, des plans qui vont servir à construire les futurs volumes.

Lorsqu’on lit les définitions de volumétrie, on constate qu’il s’agit en physique d’une détermination des volumes, et que la chimie, elle, offre une méthode de mesure pour la déterminer. Cette définition m’intéresse car elle met en lumière l’idée d’un remplissage ou d’extrusion de la forme dessinée au préalable qui va devenir volume. Mais la définition qui m’interpelle est celle délivrée par l’architecture. La volumétrie est alors un concept intégrant le gabarit, la forme, les proportions d’une construction. Ces données déjà induites dans les collages éprouvent leur matérialité dans les volumes. Les volumes construits à partir des collages sont des projections en trois dimensions qui vont trouver une emprise au sol… Leurs faces blanches réfléchissantes sont également un assemblage de planéités qui construisent un objet en trois dimensions.

Planéités et volumétries définissent les tenants et les aboutissants de ma recherche et s’appliquent, de la même façon aux séries de collages et aux collections de sculptures, qui sont autant de plans, d’élévations et de projections mentales.

La série et la collection sont des axes de recherche prégnants pour l’évolution de mon travail. La série induit un renouvellement de la forme par récurrence. 

La forme, elle, revient, se transforme tout en gardant son essence. Une recherche se met en place à partir du croisement d’une surface horizontale et d’une surface verticale. La superposition des carrés et ou des rectangles fabrique des crénelages différents à chaque fois. La collection traduit l’envie de réunir des éléments d’une même typologie, faire collection implique l’action de regrouper des objets en raison de leur similitude ou de leur caractère. Le nombre change la donne, il s’agit de pièces uniques mais qui deviennent plurielles et créent un ensemble d’objets singuliers que l’on n’a pas envie de dissocier. Enfin le passage du rouge initial vers le blanc évoque la transformation, le temps et son épaisseur.

Réflexion autour de la planéité et de la volumétrie – Kacha Legrand – février 2022